Merci de vous être inscrit sur Physics World. Si vous souhaitez modifier vos informations à tout moment, veuillez visiter Mon compte
Les films de graphite peuvent protéger les appareils électroniques des rayonnements électromagnétiques (EM), mais les techniques actuelles de fabrication prennent plusieurs heures et nécessitent des températures de traitement d'environ 3 000 °C. Une équipe de chercheurs du Laboratoire national des sciences des matériaux de Shenyang, rattaché à l'Académie chinoise des sciences, a démontré une méthode alternative pour fabriquer des films de graphite de haute qualité en quelques secondes seulement, en trempant des bandes de nickel chaudes dans de l'éthanol. La vitesse de croissance de ces films est supérieure de plus de deux ordres de grandeur à celle des méthodes existantes, et leur conductivité électrique et leur résistance mécanique sont comparables à celles des films obtenus par dépôt chimique en phase vapeur (CVD).
Tous les appareils électroniques produisent des rayonnements électromagnétiques. À mesure que les appareils deviennent de plus en plus petits et fonctionnent à des fréquences de plus en plus élevées, le risque d'interférences électromagnétiques (IEM) augmente et peut nuire à leurs performances ainsi qu'à celles des systèmes électroniques environnants.
Le graphite, un allotrope du carbone constitué de couches de graphène maintenues ensemble par les forces de van der Waals, possède des propriétés électriques, thermiques et mécaniques remarquables qui en font un bouclier efficace contre les interférences électromagnétiques. Cependant, il doit se présenter sous forme de film très fin pour offrir une conductivité électrique élevée, essentielle pour les applications pratiques de protection contre les interférences électromagnétiques, car cela signifie que le matériau peut réfléchir et absorber les ondes électromagnétiques lorsqu'elles interagissent avec les porteurs de charge qu'il contient.
Actuellement, les principales méthodes de fabrication de films de graphite reposent soit sur la pyrolyse à haute température de polymères aromatiques, soit sur l'empilement couche par couche d'oxyde de graphène (GO) ou de nanofeuilles de graphène. Ces deux procédés nécessitent des températures élevées, de l'ordre de 3 000 °C, et des temps de traitement d'une heure. En CVD, les températures requises sont plus basses (entre 700 et 1 300 °C), mais la fabrication de films nanométriques prend quelques heures, même sous vide.
Une équipe dirigée par Wencai Ren a produit un film de graphite de haute qualité, de plusieurs dizaines de nanomètres d'épaisseur, en quelques secondes seulement. Elle a été chauffée à 1 200 °C sous atmosphère d'argon, puis immergée rapidement dans de l'éthanol à 0 °C. Les atomes de carbone issus de la décomposition de l'éthanol se diffusent et se dissolvent dans le nickel grâce à la forte solubilité du carbone (0,4 % en poids à 1 200 °C). Cette solubilité diminuant fortement à basse température, les atomes de carbone se séparent et précipitent à la surface du nickel lors de la trempe, produisant un film de graphite épais. Les chercheurs indiquent que l'excellente activité catalytique du nickel favorise également la formation de graphite hautement cristallin.
Grâce à une combinaison de microscopie à transmission haute résolution, de diffraction des rayons X et de spectroscopie Raman, Ren et ses collègues ont constaté que le graphite produit était hautement cristallin sur de grandes surfaces, bien stratifié et ne présentait aucun défaut visible. La conductivité électronique du film atteignait 2,6 x 105 S/m, comparable à celle des films obtenus par dépôt chimique en phase vapeur (CVD) ou par des techniques à haute température, ainsi qu'à celle des films GO/graphène pressés.
Pour tester l'efficacité du matériau à bloquer les rayonnements électromagnétiques, l'équipe a transféré des films d'une surface de 600 mm² sur des substrats en polyéthylène téréphtalate (PET). Elle a ensuite mesuré l'efficacité du blindage électromagnétique (SE) du film dans la bande de fréquences X, entre 8,2 et 12,4 GHz. Elle a constaté une SE EMI de plus de 14,92 dB pour un film d'environ 77 nm d'épaisseur. Cette valeur passe à plus de 20 dB (valeur minimale requise pour les applications commerciales) dans toute la bande X lorsque plusieurs films sont empilés. En effet, un film contenant cinq films de graphite empilés (d'environ 385 nm d'épaisseur au total) présente une SE EMI d'environ 28 dB, ce qui signifie que le matériau peut bloquer 99,84 % du rayonnement incident. Au total, l'équipe a mesuré un blindage électromagnétique de 481 000 dB/cm²/g sur toute la bande X, surpassant ainsi tous les matériaux synthétiques précédemment décrits.
Les chercheurs affirment qu'à leur connaissance, leur film de graphite est le plus fin parmi les matériaux de blindage connus, avec des performances de blindage EMI répondant aux exigences des applications commerciales. Ses propriétés mécaniques sont également favorables. Sa résistance à la rupture d'environ 110 MPa (extraite des courbes contrainte-déformation du matériau placé sur un support en polycarbonate) est supérieure à celle des films de graphite obtenus par les autres méthodes. Le film est également flexible et peut être plié 1 000 fois avec un rayon de courbure de 5 mm sans perdre ses propriétés de blindage EMI. Il est également thermiquement stable jusqu'à 550 °C. L'équipe estime que ces propriétés, parmi d'autres, signifient qu'il pourrait être utilisé comme matériau de blindage EMI ultra-fin, léger, flexible et efficace pour des applications dans de nombreux domaines, notamment l'aérospatiale, l'électronique et l'optoélectronique.
Lisez les avancées les plus importantes et les plus passionnantes en science des matériaux dans cette nouvelle revue en libre accès.
Physics World représente un élément clé de la mission d'IOP Publishing, qui vise à diffuser la recherche et l'innovation de pointe au plus grand nombre. Ce site web fait partie du portefeuille Physics World, un ensemble de services d'information en ligne, numériques et imprimés destinés à la communauté scientifique mondiale.
Date de publication : 7 mai 2020